Le temps fragmenté

Il s’agit également de donner à voir l’enchaînement du temps. 

Par la fresque, la question du cycle est présente à travers la forme et l’émail. À mes yeux, la montagne, à la fois lieu et objet, porte en elle tout un répertoire de mythes. L’un m’a particulièrement intéressée concernant ce projet : le mythe de Sisyphe où la montagne est à la fois support et obstacle. Ou plus généralement, magnétique et antigravitationnel. L’être entier ressent alors « l’aspiration par le mouvement vertical des cimes » dont parle Gaston Bachelard dans L’air et les songes (livre qui s’inscrit dans un cycle d’étude qui associe des images littéraires aux quatre éléments). 

Dans une interprétation du mythe moins morale que naturaliste, il s’agit de montrer le lien indéniable de l’homme avec les cycles. Sisyphe est voué à mimer éternellement le cycle annuel dont il voulait sortir. La montagne est aussi le lien entre le ciel et la terre. 

Pour la fresque, l’espace est découpé de manière arbitraire en 6 ou 12 parties et mis à plat. Pour les transitions, chaque plaque reprend la fin de la composition précédente pour être l’amorce de la suivante.

L’homme et la montagne : un enjeu spirituel

Je pense au film documentaire de Wernez Herzog, Gasherbrum, la Montagne lumineuse qui relate l’exploit de l’ascension de deux alpinistes allemands. Ce film est une sorte de métaphore de l’élévation spirituelle et de la quête de sens. 

Aussi, dans son roman Le Mont Analogue, René Daumal compare l’exploration d’une voie (en alpinisme par exemple) à la recherche tout court, que celle-ci soit scientifique spirituelle ou artistique. Cette analogie me parle. La vie de l’esprit, tout comme l’alpinisme, a besoin de reliefs, de dénivelés etc. 

La matière

Une fois cuit, le grès présente un aspect minéral qu’il m’intéresse de mettre en avant pour ce projet. Par exemple, le feldspath, un des composant principal de l’émail est un minéral très présent dans les roches magmatiques. Par ailleurs, le céramiste Daniel de Montmollin qui m’est une source d’inspiration pour les recettes d’émail, comparait souvent ses diagrammes de recherches à une carte d’alpiniste (voir fig.1).